La descente du singe

David Leblanc

PRÉSENTATION – La descente du singe est une bibliothèque portative – un recueil de fictions brèves, de poèmes interludes, de contes équivoques. David Leblanc ourdit des micromondes où personnages, actions et raisonnements progressent et digressent par la force d’une narration librement déréglée. Ces déportements débouchent sur des impasses métaphysiques pleines de dérision, des nœuds logiques, des résolutions ambiguës comme des koans zen, des issues dérobées par où s’insinuent ses mathématiques invisibles. Logicien de l’absurde, narrateur syllogique, l’auteur découvre un quotidien ouvert aux bifurcations drastiques, aux rêves littéraux, aux délices de la déraison minutieuse. La descente du singe démontre que la pensée est source de fiction quand elle glisse, explore, s’égare – pour reprendre pied à côté d’elle-même. Livre inclassable où se côtoient fabulations mutantes et poésie à contraintes, La descente du singe pourrait avoir pour voisins d’espèce les œuvres de quelques écrivains hors norme: Georges Perec, Donald Barthelme, Jorge Luis Borges ou Richard Brautigan, ou encore le Russe Daniil Harms – auteur de prédilection dont David Leblanc a traduit un recueil de contes et de proses diverses pour Le Quartanier.


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CRITIQUE

David Leblanc balaie un large spectre, dans des textes brefs et travaillés: le conte philosophique moderne, la fiction fantastique ou vraisemblable, la note de soi à soi, la lettre, le poème, l’essai, et bien d’autres choses encore dont la caractéristique principale et sans doute recherchée est de rester réfractaires à une taxinomie poétique quelconque. Sans nulle pesanteur pourtant, et sans expérimentations prétendument révélatrices de sens que le lecteur se sentirait coupable de ne pas saisir. Car le livre est surtout ludique; la lecture se déroule dans le plaisir et cette donnée certes impressionniste n’est pas à négliger, d’une part parce qu’elle paraît correspondre en miroir au plaisir de l’écriture, de l’autre parce que le plaisir est à peu près tout ce qui s’ensuit, tellement David Leblanc est vierge de toute velléité, généralement fondatrice d’un surplomb propre à un écrivain, de «communiquer» ou de «faire comprendre» ou encore de «s’exprimer». […]
Marta Krol, Le matricule des anges, 2007

Dans La descente du singe, le loufoque et les dépaysements incongrus n’empêchent jamais la recherche exacte d’une phrase qui ne cesse de se dédoubler. […] Textes aphoristiques ou humoristiques, portraits ou narrations inopinées composent le paysage formel de ce recueil que n’aurait pas renié l’auteur des Petits poèmes en prose, à cause de sa diversité formelle justement. Bien sûr, l’esthétique phrastique de Leblanc doit certainement plus à celle de Daniil Harms, dont elle retient la précision, le laconisme et l’ironie pour s’affranchir des conditionnements logiques du langage. À cause de l’ironie, on pensera aussi à Donald Barthelme, dont la tentation épiphanique des «short-short stories» n’est pas étrangère à une conception poétique de la fiction. Chez Leblanc, le réel n’existe pas comme condition mimétique, parce que la poésie oblige à le penser autrement. Et «poème en prose» n’y est que le nom d’un espace générique où la liberté des transactions formelles permet à l’écrivain de se situer dans un espace où les formes diverses n’excluent finalement pas le mot poésie qu’elles redéfinissent constamment. […]
Luc Bonenfant, «Lire sous tous les angles»,
Canadian Literature, 2008

Si La descente du singe a l’air d’explorer différents sujets, lieux et situations qui s’interpellent d’un fragment à l’autre (l’intelligentsia, l’«âme russe», les rapports de l’auteur avec les femmes, la ville universitaire de Bordeaux…), la littérature en constitue le propos central, avec de fréquents appels aux grands écrivains dont on retrouvera plusieurs traces avouées. À travers tout cela, quelques égratignures amusantes: au professeur obsédé par les théories psychanalytiques, au postmodernisme derridien, au végétarien («parangon de la non-pensée» et «degré zéro de l’évolution») et au scientifique qui croit bêtement qu’une même cause a toujours le même effet et qui s’empêche d’apprécier «l’irrationnelle et merveilleuse gratuité du monde». Pour répondre à tous ces gens, Leblanc use délibérément d’arguments fallacieux et de raisonnements pervers, excellant dans l’usage détourné de la citation et de la note de bas de page. […]
Éric Paquin, Voir, 2007