Contrées
Xavière Mackay

Partir, s’établir, habiter. Dans Contrées, habiter un lieu, c’est l’investir de sens: domestiquer les plantes, éclairer l’atelier, laisser le patio se couvrir de dessins d’enfants, donner ensemble aux objets des noms intimes, indissociables des souvenirs partagés. Mais s’enraciner, c’est aussi un mouvement. Dans Contrées, la ligne droite qu’on s’imagine parcourir quand on abandonne la maison de ses parents est peut-être un cercle. S’ancrer quelque part, c’est peut-être aussi creuser un tunnel: de la maison d’aujourd’hui à celle du futur, où la vie foisonnera, aussi éclatante que dans les souvenirs d’enfance; de la maison d’aujourd’hui à celle du passé – à son fantôme, ambigu et magnifique.
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à un kilomètre virgule sept
passé le village
tournez à droite
sur la rue non pavée des Bécassines
au bout de six cents pieds
prenez à gauche
vous verrez
la maison au chiffre cinq
trois fois repeinte
sa façade regarde les Appalaches
à côté un verger
déjà vendu
aux fruits piqués trop sûrs
une anse au nom inconnu
derrière une grange
hurlant sous la pluie
et six cents pieds plus loin
au bout de la terre
une cabane un foyer
un lit à baldaquin
des framboisiers cagneux
l’eau
et plus personne