Le chemin d’en haut

J. P. Chabot

J’héritais de tout ce que je voulais pas. Je pensais y avoir échappé, j’y retournais. La maison de mon enfance, la petite blanche qu’on voit quand on se perd sur le chemin d’en haut, en montant vers Saint-Marc. J’allais régler la succession pis revenir à Montréal au plus sacrant, pas question de m’éterniser. J’ai croisé un bar-motel à la sortie de Rivière-Bleue, le Cygne Blanc, j’ai décidé d’arrêter. J’avais pas le cœur de continuer, de prendre le croche pis que la maison apparaisse, avec la grange, la forêt. Sam m’attendait au comptoir. J’y ai commandé une bière, on a jasé. Entre les cris des deux-temps dans le parking, les rumeurs de la scierie, j’ai vu l’avenir. Il était aussi irrévocable que mon passé.

C’est un livre de parole et de voyance. Il parle de ce qu’on transmet – des biens, des manières, des histoires. Il parle de la maladie et du deuil. Il dit la spoliation du territoire, du corps, le pillage en règle qui gouverne nos vies et les relègue, après le travail, dans le dernier temps, à l’ombre de la mort.


«Dans des moments de fulgurance, des éditoriaux sociopolitiques surgissent pour interrompre la narration. La lucidité dont fait preuve alors l’écrivain ne fait pas qu’ajouter à la cruauté du récit, mais donne aussi à la violence ordinaire de la collectivité sa modalité générale. Comment pourrait-on devenir un sujet policé dans un univers cynique globalement régi par la corruption et la violence de classe? […] La pièce de résistance nous est dévoilée lorsque l’auteur, dénouant une intrigue dont nous nous apprêtons maintenant à divulgâcher la fin, tisse ensemble les fils de l’histoire en nouant la petite à la grande. […] Ne tient plus ici le proverbial avertissement à savoir que toute ressemblance avec cette œuvre de fiction serait fortuite et le seul fait du hasard. Si l’écrit reste fictionnel, c’est qu’il sonde des possibles autant que des réalités avérées, et les situe sur le même plan, selon ce qui apparaît pertinent à l’écrivain. À l’entreprise, ensuite, de se défendre contre ses propres démons.»

— Alain Denault, N-B Media Co-op